Traiter l’hyperdivergence en orthodontie
Dr Michel Champagne, BA, DMD, MAGD, IBO, CDE
Suite à l’article du mois dernier sur l’extrusion molaire dans des cas de dimension verticale réduite, nous aborderons une série de cours écrits sur l’intrusion molaire dans des cas d’excès de verticale. Les cas hyperdivergents demeurent une catégorie à part en orthodontie malgré l’avancement des moyens techniques pour aider et faciliter l’intrusion des dents postérieures, je pense ici aux mini-vis, et même avec tous les avancés technologiques, l’intrusion molaire demeure un grand défi.
Commençons par la base i.e. la causalité de cette hyperdivergence. La génétique en fait partie mais elle est loin d’en être la seule cause, il faut inclure les facteurs épigénétiques qui peuvent être présents de façon temporaire durant le développement de l’enfant et également persister tout au long de la croissance. Comme facteurs épigénétiques, nous pensons à la respiration buccale issue de problèmes ventilatoires (déformation nasale, végétations, etc.) et également d’autres causes comme le suçage du doigt ou encore une déglutition infantile persistante, etc. Penser à corriger une hyperdivergence sans en traiter la cause est voué à l’échec et me semble suicidaire pour le clinicien.
Entre donc en ligne de compte un travail d’équipe entre le dentiste, l’ORL, l’orthophoniste et les parents. On ne saurait minimiser, à notre époque moderne où les gens sont tous hyper-occupés, le besoin de motivation des parents car leur coopération est essentielle. Avant tout traitement d’excès de verticale, accompagné de béance antérieure ou non, il faudra avoir recours à des rééducations fonctionnelles bien conduites et basées sur un programme hiérarchisé, qui est sans doute le plus important car il s’agit de traitements idiopathiques destinés à la suppression des causes déformantes. Il ne peut y avoir de traitement orthodontique sans préalablement traiter la fonction.
Les traitements précoces sont donc préconisés par certains et au contraire laissés par d’autres, mais qui a raison? Pourquoi choisir d’adopter une attitude passive. L’orthodontie est probablement la seule discipline médicale où l’on se permet, face à un contexte pathologique, de différer de plusieurs années les interventions (RODF 2014;48 :117). Plusieurs ne cherchent que l’intervention rapide et miraculeuse, bien qu’elle ne semble pas exister. Les traitements précoces sont-ils justifiés et même si le rattrapage est possible, sera-t-il suffisant et stable. Une déglutition atypique ou immature, la persistance de conduites de succion ou une ventilation à prédominance buccale, sont d’autant de contextes dysfonctionnels qui vont perturber la croissance des maxillaires et finalement l’implantation des dents et leurs rapports occlusaux. Il est donc logique et souhaitable de corriger au plus tôt un environnement fonctionnel défavorable afin d’éviter l’aggravation des déficits ou excès de croissance ainsi que des déformations déjà présentes. Il ne sert donc à rien d’obliger un enfant à prendre un appui lingual au niveau de la papille palatine si par exemple la succion est toujours présente et si ses sensations n’ont pas été éduquées pour lui permettre d’évoluer vers la maturation souhaitée. Les écrans buccaux peuvent être une aide pour l’enfant dans le contexte de nouvelles sensations et de nouveaux points d’appui (voir les parutions de ce blog : ‘’Vers un meilleur scellement labial’’ de février 2020 et ‘’Open Bite chez l’enfant’’ de juillet 2017.)
Les étapes de traitement deviennent donc plus claires :
- Identification du problème
- Mise en contexte avec les parents du problème et de ses effets à long terme
- Validation de la motivation enfant-parents
- Consultations avec l’équipe et intervention médicale si nécessaire
- Rééducation fonctionnelle de la déglutition et du scellement labial
- Intervention dentaire selon les besoins (transverse, écran buccal, destruction de l’éruption molaire)
- Suivi, évaluation des résultats et discussion avec les parents de l’évolution
Nous savons tous qu’Il faut créer des conditions favorables pour aider la nature à compenser les déficits ou excès, cependant malgré cette connaissance beaucoup de cliniciens ne veulent tout simplement pas avoir à manager ces problèmes, qui disons-le, vont s’échelonner sur une assez longue période. À vous de choisir mais si vous ne voulez pas traiter, tout au moins, référez.
Dans les prochains blogs nous aborderons les techniques d’intrusion molaire.
Image 1. Face former pour une rééduca
Image 2. Importance de l’ORL
Image 3. Béance antérieure mais est-elle dentaire et/ou squelettique?
Image 4. Béance fermée mais la fonction est-elle corrigée?