Le syndrome de déficience maxillaire
Un résumé par le Dr Michel Champagne d’une conférence récente du Dr McNamara
La dimension du maxillaire supérieur a inspiré plusieurs auteurs depuis plus de 30 ans. Récemment j’ai eu la chance d’écouter le Dr. James McNamara. Plusieurs d’entre vous le connaissent mais pour ceux à qui ce nom ne dit rien, le Dr. McNamara (DDS, MS, PHD) est un orthodontiste qui travaille en pratique privée mais aussi au Centre de croissance d’Ann Arbor au Michigan. Il est l’auteur de plusieurs livres et un adepte des thérapies fonctionnelles. C’est lui qui s’était déplacé dans le bureau du Dr Frankel en Allemagne de l’Est dans les années 70 pour évaluer les performances des thérapies d’orthopédie dentofaciale par thérapie de Frankel. Il est donc très ouvert aux traitements d’orthopédie dento-faciale.
Dans son exposé de Mai 2017, il a décrit de façon claire les déficiences du maxillaire supérieur. Je résume dans ce blogue les points saillants de sa conférence. Les signes d’une telle déficience se manifestent souvent par une occlusion croisée antérieure et/ou postérieure, par un chevauchement dentaire et une protrusion dentaire maxillaire. L’expansion palatine rapide (EPR) peut aider à corriger une courbe de Wilson, diminuer les obstructions nasales, élargir le sourire et aider à l’éruption de canines incluses.
Un maxillaire normal présente une dimension transverse, mesurée sur la face palatine des molaires, d’une largeur de 35-39 mm pour une dentition avec des dents de dimensions normales. Si la distance inter-molaire est inférieure à 31 mm, il y a probablement un manque d’espace dans l’arcade et l’EPR est un choix chez le patient en croissance (Figure 1). Chez l’adulte une EPR combinée à une chirurgie peut être la seule solution (EPRAC). Un manque d’espace majeur peut également commander des extractions.
La controverse dans le milieu orthodontique survient toujours lorsque l’on parle d’EPR en absence d’occlusion croisée et c’est là que tous ne s’entendent pas. Pour McNamara, la dimension transverse du maxillaire est la dimension la plus modifiable du complexe cranio-facial. Plusieurs ont écrit que le chevauchement dentaire ainsi que la protrusion des incisives supérieures sont dus à la différence entre la grosseur des dents et les bases osseuses. Le chevauchement dentaire est certainement dû à un petit périmètre d’arcade. Il existe quelquefois des situations dans lesquelles les dents sont trop grosses; la façon simple de vérifier est de mesurer la largeur d’une centrale supérieure. Si elle mesure plus de 10 mm, la grosseur des dents est exagérée de 1 à 2 déviations standard et ces cas peuvent nécessiter des extractions dentaires pour réduire la masse dentaire de l’arcade. Le plus souvent, le patient a des arcades étroites et non de trop grosses dents. La constriction maxillaire peut être camouflée par une arcade mandibulaire étroite présentant une courbe de Wilson exagérée. Le redressement de la courbe de Wilson est une solution car une vraie modification de largeur de la base osseuse de la mandibule est impossible sans distraction ostéogénique.
La position antéro-postérieure de la mandibule est davantage reliée à la morphologie du maxillaire qu’à la forme et la grosseur de la mandibule. On peut quelquefois voir après l’EPR un peu de développement transverse de la mandibule par correction adaptative de la courbe de Wilson. En présence de chevauchement et d’occlusion croisée (OC), il faut se rendre à l’évidence d’une déficience maxillaire transverse. On peut également noter quelques malocclusions associées à une déficience transverse du maxillaire comme les Classes III et II. Environ 50% des Classe III présentent un maxillaire déficient et demandent une EPR avec ou sans masque facial. La Classe II présente souvent un maxillaire étroit avec ou sans OC mais attention l’absence d’OC postérieure en position d’inter-cuspidie maximale ne veut pas dire absence d’OC en position canine Classe I. Il faut donc bien vérifier ce que j’appelle la dynamique occlusale et faire positionner la mandibule en Classe I canine pour voir si la zone postérieure ne se retrouve pas en occlusion croisée ou quasi croisée. Dans les cas de Classe II de dentition mixte, le Dr. McNamara affirme que suite à une EPR, le patient peut présenter une amélioration spontanée de sa Classe II autant dans les cas de plan terminal droit que ceux ayant une Classe II d’une cuspide complète mais surtout dans les cas de Classe II de légère à modérée (pas tous les auteurs sont d’accord avec cette affirmation). Pour maximiser nos chances d’une telle correction, il est primordial selon McNamara:
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de surcorriger la transverse jusqu’à une position d’occlusion de cusp à cusp molaire
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de mettre en place une plaque de maintien pour 12 mois.
Ainsi le patient se retrouve avec une occlusion molaire en bout à bout transverse et donc en position d’interférence. Pour le patient, la solution la plus confortable est simplement d’avancer la mandibule pour une meilleure occlusion et fonction; ceci permet un repositionnement antérieur de la mandibule. Pour maximiser nos chances de réussite, cette intervention doit se faire avant la perte des 2es molaires primaires pour en plus bénéficier de la mésialisation des dents 36-36 dans l’espace de Leeway. McNamara base cette affirmation sur une recherche effectuée sur 500 patients de 8 à 9 ans démontrant des changements positifs sur l’échantillonnage traité comparativement à aucun changement ou même une détérioration chez les non traités (AJODO 2011). L’élargissement du maxillaire peut améliorer la position sagittale de la mandibule chez des patients en dentition mixte. Ce phénomène, s’il survient, arrivera durant les 6-12 mois de la période de maintien. Un remodelage des structures de l’articulation est possible. Si le phénomène de repositionnement ne s’est pas produit durant ce 6-12 mois, une BTP peut être installée pour dérouler les molaires, ce qui améliore la Classe I. Il est également possible d’aller un plus loin avec des appareillages d’hyperpropulsion comme le Herbst (ou tout appareil similaire), les Classe II élastiques ou un appareil de type Carriere.
Il nous faut repenser notre approche du traitement des Classe II. La malocclusion de Classe II ne démontre non seulement des problèmes des dimensions verticale et sagittale mais souvent également transverse. D’autres situations peuvent bénéficier d’EPR comme :
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un espace de sourire négatif, communément appelé ‘’triangle noir’’, chez des patients normo ou hypodivergent.
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certaines malocclusions de Classe III.
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les impactions canines
Le Dr McNamara a terminé en affirmant que dans sa pratique privée, 50% de tous ses patients en croissance ont besoin d’EPR.
Il est bon de nous rappeler en terminant les signes du syndrome de déficience maxillaire :
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une malocclusion de Classe II ou III
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un manque d’espace de léger à modéré
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un manque d’espace pour l’éruption des canines permanentes
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des triangles noirs au coin de la bouche dans le sourire
La logique pour les cas de Classe II est donc que si vous procéder à une expansion palatine en début de dentition mixte donc vers 8-9 ans, vous devriez surcorriger et maintenir la transverse pour 6-12 mois et attendre la fin de dentition mixte (la période idéale pour tout avancement mandibulaire). Ainsi vous verrez certains de vos cas de rétrusion mandibulaire légère à modérée se corriger d’eux mêmes par repositionnement mandibulaire. Pour les cas qui n’auront pas suivi, vous serez en période idéale i.e. fin de dentition mixte pour procéder à l’avancement mandibulaire.
Figure 1. Maxillaire trop étroit, la normale est de 35-39 mm