Traitement des lésions blanches (leucomes) apparues
lors d’un traitement orthodontique
Résumé par le Dr Champagne d’un article publié dans l’Orthodontiste Jan-fev 2017 par les docteurs Claire Pernier et al.
Bien que les dispositifs multi-attaches constituent actuellement une entrave à l’hygiène bucco-dentaire beaucoup moins importante que par le passé, ils demeurent en cas de défaillance de celle-ci un facteur d’apparition de lésions iatrogènes de l’émail appelées lésions opaques blanches ou leucomes. La structure crystalline est amoindrie mais présente. Les leucomes sont décelables à l’oeil nu si le corps de la lésion présente un déficit minéral de 10 % par rapport à l’émail sain. Ce déficit peut atteindre les 40 % à un stade avancé [1]. Il s’agit de l’effet iatrogène le plus fréquent des appareils orthodontiques fixes [2]. Selon les études, sa fréquence est comprise entre 2 et 97 % [2-5] et les lésions peuvent apparaître dès la 4e semaine de traitement [3]. Les dents les plus concernées par ce type de lésion sont les incisives latérales maxillaires, suivies par les canines maxillaires, puis les canines mandibulaires. Les secteurs maxillaires sont 2,5 fois plus atteints que les secteurs mandibulaires [6].
Évolution des lesions après dépose des boîtiers
L’émail, devenu plus poreux suite à la déminéralisation, absorbe les colorants alimentaires créant ainsi des taches disgracieuses. Leur devenir après la dépose depend de l’ampleur de la lésion initiale. On note 25% de persistence pour les taches les plus sévères et une regression de 75% pour celles de petites tailles. Dans les 6 premiers mois post orthodontie, on peut souvent note rune amelioration spontanée de 50%. Les dentifrices fluorés ne semblent avoir aucun effet.
Le traitement des lesions
Selon Morrier (2014), différents moyens thérapeutiques sont offerts au clinicien:
- les techniques de reminéralisation par application topique de fluorures à faible concentration
2. les techniques de reminéralisation par produits fluorés à haute concentration en fluorures sont déconseillés pour le secteur incisivo-canin à cause de la possibilité de décoloration
3. des applications topiques de CPP-ACP (caséine, phosphopeptide-phosphate de Ca amorphe) 2 fois/jour après le brossage et ce pendant 8 semaine
4. les techniques de dentisterie à minima comme micro-abrasion et érosion infiltration
5. les techniques de restauration par composite et facette
Nous allons résumer la technique d’érosion-infiltration à l’ICON
Pour plus de details, cliquez sur You tube et rechercher “icon resin infiltration”
Protocole clinique |
L’ICON existe sous deux formes différentes: un kit pour les surfaces proximales et un kit pour les surfaces vestibulaires. Le principe d’utilisation est similaire pour les deux produits, à l’exception de l’utilisation d’un séparateur pour le traitement des lésions proximales.
Érosion
Après un nettoyage minutieux des surfaces à traiter à l’aide d’un contre-angle bague bleue, d’une brossette et de pâte à polir, le champ opératoire peut être mis en place. La digue isole de la contamination salivaire et protège les tissus gingivaux.
L’érosion initiale de la face vestibulaire est réalisée à l’Icon-Etche qui est composé d’acide chlorhydrique (15 %), de silice pyrogénée et de substances tensio-actives. Ce mordançage s’étend sur 2 mm tout autour de la lésion et dure 120 secondes. Le but de l’application de cet acide est d’éliminer la couche superficielle d’émail relativement intacte pour créer un accès direct aux microporosités sous-jacentes et faciliter l’infiltration résineuse secondaire. Cette opération peut être répétée une deuxième fois si nécessaire et jusqu’à quatre fois maximum. L’acide est ensuite rincé pendant 30 secondes puis la surface est séchée.
L’acide chlorhydrique à 15 % est préféré à l’acide phosphorique à 37 % pour éliminer la couche superficielle de la lésion amélaire car il a démontré une efficacité supérieure avec un taux de pénétration deux fois plus important (58 pm contre 25). La pénétration de l’acide dans la partie la plus profonde de la lésion permet de mieux éliminer les zones décalcifiées et de prévenir de nouvelles attaques bactériennes.
Un alcool, l’ICON Dry (éthanol à 99 %), est ensuite appliqué pour déshydrater complètement la surface de la dent avant l’infiltration. Cette application a un double intérêt:
- vérifier si l’érosion est suffisante ou s’il est nécessaire de répéter le mordançage. La goutte d’alcool déposée en surface s’étale sur l’émail, Si la tache reste visible, il faut réaliser un mordançage supplémentaire,
- créer des monomères hydrophobes qui infiltrent l’émail et la dentine humides déminéralisés. Cela améliore la pénétration de la résine d’infiltration qui est un substrat hydrophobe et permet d’obtenir une couche de résine bien nette.
Infiltration
La résine infiltrante Icon® est composée d’une matrice à base de résine de méthacrylate (TEGDMA: triéthylène glycol diméthacrylate), d’initiateurs et d’additifs. Elle est appliquée sur chaque dent, sur la zone mordancée, en quantité légèrement excédentaire. Le produit agit ensuite pendant trois minutes. Les excès sont retirés à l’aide d’un fil de soie ou d’un rouleau de coton salivaire puis la résine est photopolymérisée pendant 40 secondes. À l’aide d’un nouvel embout, le matériau est appliqué une deuxième fois et laissé une minute. Les excès sont retirés puis les surfaces sont de nouveau photopolymérisées pendant au moins 40 secondes. Il est possible de rajouter du composite sur les taches persistantes, en ayant au préalable microsablé la surface amélaire de la dent concernée. Une couche de glycérine est ensuite appliquée sur l’ensemble des surfaces afin d’obtenir une photo-polymérisation optimale, y compris de la couche superficielle. Enfin, la digue est retirée et les surfaces dentaires sont polies à l’aide d’une fraise multilames bague jaune, d’une fraise en silicone et de cupules de polissage.
Efficacité
La résine ainsi infiltrée va arrêter la progression de la lésion carieuse et créer un indice de réfraction très proche de celui de l’émail sain. La lésion blanche postorthodontique est ainsi masquée de façon efficace et stable comme le montrent de nombreuses études ou rapports de cas. En 2011, Kim compare l’efficacité de la technique d’érosion-infiltration sur 20 dents présentant des défauts d’émail et 18 dents présentant des taches blanches après traitement orthodontique. Il évalue les résultats grâce à un logiciel d’analyse d’images. L’effet masquant s’est avéré supérieur pour les lésions postorthodontiques bien que 25 % et 35 % des défauts d’émail aient été respectivement complètement ou partiellement masqués. Kim attribue cette variation des résultats à la profondeur et à l’activité des lésions. Contrairement à certains auteurs qui recommandent cette technique immédiatement après la dépose de l’appareil orthodontique, Kim préconise un délai de trois mois car avec une hygiène orale correcte, les déminéralisations actives peuvent diminuer spontanément, voire disparaître grâce à la reminéralisation par les fluides oraux.
En 2013, Senestraro montre une réduction de la dimension des taches blanches apparues au cours d’un traitement orthodontique et traitées par infiltration de résine de 61,8 %, immédiatement après traitement et 60,9 %, 8 semaines après. Durant cette période, les dents témoins non traitées ont vu leurs lésions diminuer respectivement de 3,3 % et 1,0 %. Toujours en 2013, dans deux études, Feng évalue cliniquement l’efficacité de la technique d’érosion-infiltration pour masquer les décalcifications post-orthodontiques. Environ 25 % des dents ont été classées comme complètement traitées et 75 % comme partiellement traitées. Pour les dents avec des taches partiellement masquées, l’étendue de la lésion a diminué de 30-40 % à 8-9,5 % après le traitement. La teinte de surface des lésions infiltrées reste stable après 12 mois.
Enfin, selon Paris, les surfaces dentaires, une fois traitées par cette technique, présentent:
- une microdureté superficielle augmentée comparée aux surfaces dentaires cariées;
- une résistance accrue à une déminéralisation future;
- une résistance à l’abrasion liée au brossage supérieure à celle de l’émail sain;
- une adhéslon similaire à celle de l’émail déminéralisé voire améliorée.
Cette technique d’érosion-infiltration à l’ICON permet donc non seulement d’améliorer l’aspect esthétique des déminéralisations postortho-dontiques grâce à son effet masquant, mais également d’améliorer les propriétés de l’émail face à une déminéralisation ultérieure.
Conclusion
Les leucomes représentent l’effet iatrogène le plus fréquent des thérapeutiques orthodontiques fixes, associées à une insuffisance de brossage. Le diagnostic de ce type de lésions devra être posé le plus précocement possible. Il sera alors important de rétablir un bon contrôle de plaque et inciter le patient à diminuer sa consommation de sucres cariogènes, en particulier chez l’enfant. Après la dépose de l’appareil et une période de latence de trois à six mois durant laquelle il est possible d’avoir des régressions spontanées pour les cas légers ou modérés, nous pourrons envisager différentes thérapeutiques, au service de la préservation tissulaire, pour traiter ces lésions. L’érosion-infiltration à l’ICON permet d’arrêter le processus carieux et d’obtenir une amélioration esthétique immédiate. Cette technique exige cependant une mise en oeuvre parfois complexe et des taches blanches disgracieuses peuvent persister en fonction de leur profondeur et de leur localisation. Elle nécessite encore des études à long terme afin d’évaluer le vieillissement de la résine et améliorer le protocole thérapeutique.
Bibliographie
1.Denis M, Atlan A, Venriat E, Tirlet G, Attal J-P. White defects on ena-mel: Diagnosis and anatomopatho- 8. logy: Two essential factors for proper treatment (part 1). int Orthod. juin 2013;11(2)139-65.
2. Sangarnesh B, Kallury A. latrogeniceffects of Orthodontic treatment-Re-view on white spot lesions. Int J Sci Eng Res. 2011;2:16.
3. Bishara SE, Ostby AVV. White Spot Lesions: Formation, Prevention, loi and Treatment. Semin Orthod. sept 2008;14(3):174-82.
4. Heymann GC, Grauer D. A Contem- 11. porary Review of White Spot Lesions in Orthodontics. J Esthet Restor Dent. 2013;(2):85.
5. Julien KC, Buschang PH, Campbell PM.Prevalence of white spot lesion formation during orthodontic treatment. Angle Orthod. juill 2013,83(4):641-7.
6. Chapman JA, Roberts WE, Eckert GJ, Kula KS, Gonzàlez-Cabezas C. Risk factors for incidence and severity of white spot lesions during treatmentwith fixed orthodontic appliances. AmJ Orthod Dentofacial Orthop. août 14. 2010;138(2)188-94.
7. Ogaarcl B, Alm AA, Larsson E, Adolfs-son U. A prospective, randomized clinicat study on the effects of an amine fluoride/stannous fluoride toothpaste/mouthrinse on plaque, gingivitis and initial caries lesion development in orthodontic patients. Eur J Orthod. 2006;28(1):8-12.
8. Willmot DR. White lesions after orthodontic treatment: does low fluoride make a difference? J Orthod. 1 sept 2004;31(3):235-42.
9. Guzman-Armstrong S, Chalrners 17. J, Warren JJ. White spot lesions: Prevention and treatment. Am J Orthod Dentofacial Orthop. 1 déc 2010138(6):690-6.
10. Morrier JJ. Leucomes et traitement orthodontique. Prévention, traitement. Orthod Fr. sept 2014,85(3):235-44.
11. Robinson C, Brookes SJ, Kirkham J, Wood SR, Shore RC. ln vitro studies of the penetration of adhesive resins into artificial caries-like lesions. Caries Res. 2001;35(2)136-41.
Autres références disponibles sur demande.
Tiré de L’Orthodontiste Vol. 6 n° 1 janvier – févrief 2017